Marche, piéton, ville et campagne

Peu de trottoirs, ou trottoirs interrompus,
conséquence de la liberté individuelle poussée à l’extrême

Charles Baudelaire, pauvre Belgique

C’est par cette citation en couverture que la revue CLARA Architecte & Recherche n°1 débute son chemin de réflexions théoriques et d’enjeux concrets intitulés Marche et espace urbain de l’Antiquité à nos jours.

Revue CLARA n°1

En guise de sommaire, une série de citations sur la base d’un objectif précis :

En réunissant historiens et archéologues, architectes et urbanistes, sociologues et anthropologues, nous proposons d’analyser, de l’Antiquité à nos jours, l’évolution des relations entre le mode de déplacement et l’aménagement de l’espace urbain.

Ravue Clara : marche urbaine

Et si tout architecte ou aménageur des villes se devait avant toute chose de parcourir, à pied et pendant des jours, voir des saisons, en marchant l’espace à transformer ?

Le voyage in situ, c’est à dire la confrontation du corps à la réalité
est pour l’architecte une étape essentielle de la compréhension
et de l’évaluation d’un aménagement spatial.

Comment apprécier la marche à pied et ses conditions dans l’Histoire ?

Marc Crunelle propose d’apprécier la perception tactile des sols de quelques villes du passé à la lumière des récits d’écrivains voyageurs :

Çà et là, hors des grandes rues et dans les faubourgs,
subsiste le pavé pointu, exécrable, qui blesse les pieds;
ce sont les pierres de toutes formes serrées au hasard.

Déjà au temps des romains, la marche est déjà reconnu et décrite pour ses bienfaits pour la santé et le plaisir de ses pérégrinations entre les rues, les temples :

Celse n’invente rien : lorsqu’il recommande aux citadins de la marche,
il s’inscrit dans la tradition hippocratique
qui classe cette activité parmi les exercices dits naturels.

La figure du marcheur, celui qui, parcourant la ville pour vaquer à ses occupations, passe régulièrement devant les temples, n’est pas absente des livres III et IV du De architectura.

La marche et le piéton, des monuments précolombien à la cour de Bruxelles en passant par l’embellissement de Paris au 19e siècle, au centre de l’esthétique fonctionnelle et de l’amélioration du cadre de vie :

On se trouve ainsi face à des sites monumentaux, parfois très complexes, […] et à un transit exclusivement piéton.

Celui-ci assignait à chacun sa place suivant son rang et sa fonction, précisant derrière ou à côté de qui il devait marcher.

Autrement dit, le référent central de la notion d’embellissement s’incarne dans la figure de celui qui arpente la ville […] et qui ainsi se l’approprie.

La cité moderne et ses nouveaux spectacles urbains créaient une atmosphère de rêve pour le flâneur.

Qui plus que le natif du lieu arpente cet endroit, qui mieux que l’habitant d’une ville peut, à la foulée, déduire la qualité du sol ?

Avec les temps modernes, la croissance infini n’est plus un modèle d’avenir, voir même un risque pour l’humanité.
La marche évolue comme outil de mobilité et de marketing du corps (Dominique Rouillard) voir comme une pratique de lutte contre le temps accéléré, en connivence avec les bicyclettes :

La marche, c’est l’air du temps du futur durable, dans un équilibre du marketing aujourd’hui bien installé :
énergie consommée par le marcheur = santé publique et économie de carburant.

Le maillon complémentaire de tous les autres dans le contexte de la mobilité urbaine
est la marche à pied, base même des modes actifs complément du vélo,
mais d’une cohabitation pas toujours évidente avec celui-ci

Pourrait-on considérer [la marche] à certaines conditions comme une inertie intentionnelle ou, mieux, comme une pratique de résistance à l’accélération du temps ?

La marche urbaine […] a un grands potentiel de mobilité dans l’espace social, en nous donnant accès de manière sensible à des contextes proches qui peuvent pourtant être très différents du nôtre

Avec une question en guise de conclusion éphémère, et un symbole comparatif de la marche comme une simplicité naturelle en lien avec la vie quotidienne :

Comment faire le moins et le mieux possible ?

Privilégier le contact avec l’invité en laissant le soin à d’autres d’organiser les grands événements conférenciers dans des lieux et avec un protocole plus appropriés…

  • Revue CLARA Architecte & Recherche, 2013, n°1, 213 pages, Marche et espace urbain de l’Antiquité à nos jours :
Revue Clara n°1

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